Effacement des données du fichier TAJ après un classement sans suite : cadre juridique, jurisprudence et recours possibles

  • Aug 6, 2025

Effacement des données du fichier TAJ après un classement sans suite : cadre juridique, jurisprudence et recours possibles

  • GBANDI Aicha

Effacement des données du fichier TAJ après un classement sans suite : conditions légales, jurisprudence récente et démarches pour faire un recours.

Introduction

Le fichier Traitement des Antécédents Judiciaires (TAJ), instauré par le décret n° 2012-652 du 4 mai 2012, centralise l’ensemble des données relatives aux personnes mises en cause dans le cadre d’une procédure pénale, qu’il y ait eu ou non condamnation. Ce fichier, utilisé par les services d’enquête et certaines autorités administratives, est devenu un instrument central de la politique de sécurité publique, mais suscite de nombreuses interrogations en termes de protection des données personnelles, de respect des droits fondamentaux et d’accès aux professions ou aux droits administratifs, notamment dans le cadre de procédures sans suites judiciaires.

La présente étude vise à éclairer le régime juridique applicable à l’effacement des données inscrites au TAJ, notamment en cas de classement sans suite, en analysant les fondements textuels, la jurisprudence récente et les voies de recours disponibles, tout en illustrant ces règles à travers un exemple concret de requête fondée sur des atteintes professionnelles, administratives et procédurales.

1. Le cadre légal applicable à l’effacement du TAJ

1.1. Le fondement textuel : articles 230-8 et 230-9 du Code de procédure pénale

L’article 230-8 CPP fixe les conditions de conservation des données au TAJ. Il prévoit que :

« Les données peuvent être conservées, sauf si le procureur de la République décide de les effacer. »

Autrement dit, le classement sans suite d’une procédure n’implique pas, de plein droit, l’effacement de l’inscription au fichier TAJ. Le parquet dispose d’un pouvoir d’appréciation fondé sur la notion d’utilité judiciaire ou policière.

L’article 230-9 CPP organise la voie de recours ouverte à toute personne contestant la légitimité ou la nécessité du maintien de ses données dans le fichier. Cette disposition autorise la saisine de la chambre de l’instruction de la cour d’appel territorialement compétente, dans le délai d’un mois à compter de la notification de refus d’effacement ou du silence du procureur passé deux mois.

La procédure est gratuite et sans ministère obligatoire d’avocat, ce qui la rend théoriquement accessible, bien que la complexité des enjeux nécessite une certaine technicité.

1.2. La CNIL : autorité informée mais incompétente tant que la voie judiciaire n’est pas épuisée

En matière de traitement d’antécédents judiciaires (TAJ), le droit d’accès ne s’exerce pas de manière directe, comme c’est généralement le cas pour les autres traitements de données à caractère personnel. Ce régime dérogatoire s’explique par la nature particulière du fichier TAJ, lequel est destiné à l’enregistrement des mises en cause dans des procédures pénales. Ainsi, contrairement à ce que prévoit le droit commun encadré par le RGPD, l’exercice du droit d’accès s’y fait de manière indirecte et conditionnée à l’épuisement préalable des voies judiciaires.

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), lorsqu’elle est saisie directement par une personne concernée par une inscription au TAJ, se déclare incompétente tant que les démarches judiciaires obligatoires n’ont pas été effectuées. Cette position est constante et confirmée par des réponses types émises par l’autorité, dans lesquelles elle invite les requérants à s’adresser d’abord au procureur de la République territorialement compétent, ou, dans le cas de faits s’étendant sur plusieurs ressorts, au magistrat référent TAJ.

La CNIL rappelle en ce sens que, en cas de refus d’effacement par le magistrat saisi ou d’absence de réponse dans un délai de deux mois, la personne concernée doit saisir, dans un délai d’un mois, le président de la chambre de l’instruction de la cour d’appel compétente. Cette saisine doit être motivée, c’est-à-dire justifiée par des arguments précis sur le caractère inapproprié ou excessif de la conservation des données, et accompagnée des échanges écrits antérieurs. La chambre de l’instruction statue alors dans un délai de six mois à compter de sa saisine.

Lorsque la décision judiciaire est favorable à la personne concernée, celle-ci doit la transmettre au ministère de l’Intérieur afin de permettre la mise à jour du fichier. Ce n’est que si le ministère ne procède pas à cette actualisation dans un délai de deux mois, ou oppose un refus, que la CNIL peut être valablement saisie au titre du droit d’accès indirect, conformément à l’article 108 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée. L’intervention de la CNIL s’inscrit donc exclusivement en aval de la procédure juridictionnelle, et uniquement en cas d’inexécution par l’administration d’une décision de justice.

Cette architecture confirme que le recours juridictionnel est à la fois principal, exclusif et préalable.

2. Conditions de recevabilité et critères d’effacement

2.1. Recevabilité : compétence, délai et intérêt à agir

La chambre de l’instruction compétente est celle du ressort de la cour d’appel où l’enquête a été ouverte. Le recours doit être exercé dans un délai d’un mois après le refus du procureur ou son silence prolongé au-delà de deux mois.

L’article 230-9 autorise la procédure sans avocat. Toutefois, le requérant doit présenter une requête motivée, accompagnée des documents échangés avec le parquet, et démontrant l’inutilité ou l’illégalité de l’inscription au TAJ.

2.2. Critères dégagés par la jurisprudence pour un effacement par exception

L’effacement des données n’est admis qu’à titre exceptionnel. Les critères reconnus par la jurisprudence administrative et judiciaire sont les suivants :

  • Absence de nécessité judiciaire ou policière du maintien de l’inscription (CE, 29 avril 2021, n° 436113) ;

  • Atteinte excessive à la vie privée (art. 8 CEDH) ou à la présomption d’innocence ;

  • Conséquences professionnelles avérées, notamment dans le cadre de concours publics ou de professions à exigences déontologiques élevées ;

  • Effets administratifs disproportionnés, comme l’ajournement ou le refus de naturalisation (Circulaire INTK1737765C du 2 novembre 2017) ;

  • Manquements procéduraux lors de l’enquête (défaut d’avocat, absence d’information, collecte de données personnelles sensibles hors cadre légal).

Le Conseil d’État a jugé que l’inscription au TAJ, même en cas de classement sans suite, peut justifier une exclusion d’un concours de la fonction publique (CE, 21 mai 2014, n° 368483) si elle révèle une incompatibilité avec les fonctions postulées. Le fichier TAJ est ainsi susceptible d’être consulté dans le cadre d’enquêtes de moralité (CE, 11 juillet 2018, n° 412713).

3. Analyse de proportionnalité et contrôle juridictionnel

Le contrôle exercé par la chambre de l’instruction repose sur le principe de proportionnalité, tel que consacré à l’article 8 de la CEDH. Il implique de mettre en balance :

  • La gravité des faits initialement reprochés ;

  • Le statut procédural de la personne (absence de condamnation, classement sans suite) ;

  • L’utilité actuelle ou prévisible de l’inscription au regard des besoins de la justice ;

  • Les atteintes concrètes subies par la personne concernée.

Le maintien d’une inscription pour une procédure classée sans suite, en l’absence de tout comportement infractionnel objectivement établi, est ainsi susceptible d’être considéré comme excessif, notamment lorsque les conséquences sur la carrière, l’accès à la naturalisation ou la vie privée sont démontrées par des éléments concrets.

4. Exemple illustratif : application des critères d’effacement en contentieux

Une demande d’effacement récemment formée illustre la complexité et la sensibilité de certains contentieux liés au fichage administratif.

Monsieur A., un justiciable de nationalité étrangère, diplômé de l’enseignement supérieur en France, a découvert son inscription au TAJ à la suite d’une audition libre dans le cadre d’une enquête administrative. Celle-ci a été classée sans suite, sans qu’aucune notification préalable ni information ne lui ait été transmise. Aucun élément pénal ou irrégularité avérée n’a été retenu à son encontre.

La requête déposée devant la chambre de l’instruction reposait sur plusieurs griefs :

  • Caractère infondé et stigmatisant de l’enquête : aucune preuve tangible, démarche initiée sur la base de simples présomptions ;

  • Atteinte à la vie privée : collecte d’informations personnelles sensibles sans rapport direct avec les faits, notamment sur l’origine, la situation familiale et le parcours personnel ;

  • Conséquences professionnelles et administratives : l’inscription au fichier a déjà entraîné un refus d’accès à une profession réglementée, malgré une préparation sérieuse, et constitue aujourd’hui un obstacle supplémentaire dans le cadre d’un nouveau projet d’intégration professionnelle au sein de la fonction publique ;

  • Impact sur la procédure de naturalisation : risque d’ajournement au regard des instructions administratives en vigueur.

La démonstration d’un écart manifeste entre les faits à l’origine de l’inscription et les effets juridiques du fichage a permis de soulever l’argument de disproportion au sens de la jurisprudence constante.

Conclusion

Le fichier TAJ, s’il constitue un instrument de police légitime, doit faire l’objet d’un encadrement rigoureux pour éviter qu’il ne devienne une source d’atteinte permanente à la présomption d’innocence, ou un frein administratif à l’intégration et à l’insertion professionnelle, en particulier dans le contexte des concours publics, de la naturalisation ou de l’accès à des professions réglementées.

La chambre de l’instruction, bien qu’organe juridictionnel de nature pénale, joue ici un rôle de garant des libertés fondamentales, notamment dans le contrôle de la proportionnalité et de la légalité de l’inscription au TAJ.

La procédure, encore peu connue du grand public, mériterait d’être davantage diffusée, notamment auprès des personnes les plus exposées aux effets collatéraux du fichage, et de faire l’objet d’un référentiel jurisprudentiel consolidé, garantissant une application homogène sur le territoire national.

Biographie de l'auteure

Aïcha GBANDI est juriste, diplômée d’un Master 2 en Histoire du droit et des institutions à l’Université de Bordeaux (2020-2021). Son mémoire de recherche a porté sur « Le droit dans les congrès internationaux des femmes », illustrant sa capacité à croiser rigueur juridique et réflexion historique approfondie.

Elle est également titulaire d’une licence en droit public (Université de Lomé, 2015-2016) et d’un Master 1 en Histoire du droit et des institutions (Université de Bordeaux, 2019-2020).

Son parcours a été complété par une préparation annuelle et estivale aux concours du CRFPA et de l’ENM au sein des Instituts d’Études Judiciaires de Bordeaux et de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ainsi qu’un stage en cabinet d’avocats à Paris. Elle y a contribué à la rédaction de requêtes et mémoires en droit administratif et en droit des étrangers (CESEDA), ainsi qu’à la constitution et au suivi de dossiers en droit du travail. Cette expérience pratique est venue renforcer sa formation académique et consolider son expertise dans des matières clés du droit.

Distinctions et reconnaissance académique

  • Lauréate du Concours régional francophone de plaidoirie en droit international humanitaire du CICR (Tunis, 2013).

  • Représentante du Togo au prestigieux Concours international Jean-Pictet de droit international humanitaire (États-Unis, 2015).

  • Participation à divers forums internationaux sur le droit et le leadership.

Publications et productions académiques

  • Cinquième convention de Genève, recueil de cas pratiques en droit international humanitaire et droits de l’homme, préfacé par le Professeur Michel Deyra.

  • Articles spécialisés publiés dans Village de la Justice et d’autres revues professionnelles.

  • Fiches de cours, fascicules d’actualisation et recueils de cas pratiques destinés aux étudiants en droit.

Licence (L1-L3) :

  • 12/20 en droit administratif des biens

  • 13/20 en régime général des obligations

  • 14/20 en droit du travail

  • 14/20 en droit international humanitaire

  • 14/20 en institutions administratives

  • 13/20 en méthodologie du droit, finances publiques et droit de la fonction publique

  • 12/20 en rédaction administrative

Master (M1-M2) :

  • 12/20 en histoire des professions judiciaires

  • 18/20 en histoire du droit de la famille

  • 15/20 en histoire du droit patrimonial de la famille

  • 14/20 en droit privé comparé

  • 13/20 en analyse des enjeux juridiques actuels

Ces résultats concrets reflètent son expertise et garantissent la qualité des fiches et supports pédagogiques qu’elle propose.

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