- Aug 9, 2025
Plainte conjointe contre des influenceurs : cadre légal, limites et risques
- GBANDI Aicha
Plainte conjointe ou action collective contre des influenceurs sur les réseaux sociaux : cadre légal, limites et risques
I – Les exigences procédurales en matière d’action collective
A – Le rôle du collectif d’avocats et la recevabilité d’une plainte groupée
B – L’identification des auteurs et l’exigence d’individualisation
II – Les contraintes liées à la dimension internationale
A – La compétence territoriale du juge d’instruction français
B – L’identification et la coopération internationale
Introduction
Les réseaux sociaux ont profondément transformé la manière dont l’information circule. En quelques secondes, un message ou une vidéo peuvent être vus par des millions d’internautes, parfois situés à l’autre bout du monde. Cette ouverture, qui favorise la créativité et le partage, comporte également un revers important : l’émergence de comportements délictueux aux dimensions transfrontalières, tels que les escroqueries, la diffamation ou encore l’usurpation d’identité. Dans certaines situations, des victimes décident de s’unir afin d’agir ensemble contre un ou plusieurs influenceurs, souvent par l’intermédiaire d’un collectif d’avocats, en désignant clairement un auteur principal et en visant de manière plus large d’autres personnes supposées avoir participé aux faits.
Il convient alors de se demander si le droit pénal français autorise qu’une plainte conjointe désigne un auteur précis et englobe d’autres auteurs non nommément identifiés, en particulier lorsque ces derniers résident à l’étranger. L’étude de cette question suppose d’examiner, d’une part, les conditions de recevabilité d’une telle plainte et, d’autre part, les obstacles spécifiques liés à la compétence territoriale et à l’identification internationale. Enfin, il est indispensable d’évoquer la nécessité d’agir dans le respect des principes éthiques afin d’éviter les risques liés à la diffamation en ligne.
I – La recevabilité et le cadre légal de la plainte groupée visant un auteur principal et d’autres collectivement
En droit français, la plainte peut être déposée individuellement par chaque victime ou par une association légalement habilitée à agir en justice. Articles 1 et 2 du Code de procédure pénale encadrent cette possibilité. Un collectif d’avocats peut parfaitement coordonner l’action et déposer un dossier commun regroupant plusieurs plaignants, mais chaque victime demeure partie civile à titre personnel. Cette exigence a été confirmée par la Cour de cassation dans un arrêt du 7 avril 2015 (Cass. crim., n°14-82.599), qui précise que chaque partie civile doit être clairement identifiée.
Lorsque la plainte vise un auteur principal, il est indispensable que les faits qui lui sont reprochés soient documentés et précis. Article 80-1 du Code de procédure pénale impose en effet que la mise en examen repose sur des indices graves ou concordants à l’encontre d’une personne déterminée. Ainsi, mentionner « tous les autres influenceurs ayant participé » sans identification ni description des actes précis ne respecte pas le principe de précision des poursuites et s’expose à un classement partiel. La jurisprudence de la Cour de cassation du 18 février 2014 (Cass. crim., n°13-80.208) illustre cette exigence, en rappelant qu’une plainte imprécise ne peut donner lieu à des poursuites généralisées.
II – La compétence territoriale et les contraintes internationales
Le juge pénal français est compétent lorsque les faits ont été commis sur le territoire national ou lorsqu’ils y ont produit leurs effets, conformément à l’article 113-2 du Code pénal. Cette compétence peut s’appliquer même si l’auteur présumé réside à l’étranger, à condition que le lien avec la France soit concret, par exemple lorsque le contenu litigieux a été diffusé en ligne et a causé un préjudice en France. La Cour de cassation, dans un arrêt du 12 décembre 2000 (Cass. crim., n°00-81.363), a ainsi admis que la diffusion d’un contenu depuis l’étranger pouvait relever de la compétence française dès lors que ses effets se produisaient sur le territoire national.
Cependant, la poursuite d’auteurs étrangers nécessite de les identifier précisément. Pour cela, les autorités françaises peuvent adresser des réquisitions aux plateformes, conformément à l’article 60-1 du Code de procédure pénale, afin d’obtenir les données d’identification. Lorsque les auteurs se trouvent dans un autre pays, il faut souvent recourir à des demandes d’entraide judiciaire internationale, par le biais de conventions bilatérales ou multilatérales comme la Convention de Budapest sur la cybercriminalité. Ces démarches sont souvent longues et peuvent se heurter à l’absence de coopération de certains États ou à des réponses incomplètes des plateformes. Par exemple, il arrive que TikTok transmette les informations concernant un compte principal, mais refuse ou ne puisse communiquer les données d’autres comptes en raison de restrictions légales locales.
III – L’éthique, la prévention et les bonnes pratiques face aux risques de diffamation sur les réseaux sociaux
La loi du 29 juillet 1881, à son article 29, définit la diffamation comme toute allégation ou imputation d’un fait portant atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne. Lorsqu’elle est commise par le biais des réseaux sociaux, cette infraction prend une dimension aggravée en raison du caractère public de la diffusion, comme le prévoit l’article 32 de la loi de 1881. La Cour de cassation a d’ailleurs jugé, dans un arrêt du 17 décembre 2013 (Cass. crim., n°12-85.242), qu’un tweet constitue bien un acte de publication au sens de cette loi.
Agir avec éthique suppose de vérifier scrupuleusement les faits avant toute publication, de respecter la présomption d’innocence prévue à l’article 9-1 du Code civil et de formuler ses propos de manière neutre et factuelle. Cela implique aussi de ne pas viser publiquement des personnes dont l’identité et les actes n’ont pas été établis avec certitude. Il convient par ailleurs de conserver un respect constant envers les différentes autorités concernées, qu’il s’agisse des autorités judiciaires, policières, administratives, réglementaires ou politiques.
Pour vulgariser cette exigence, on peut rappeler qu’une publication sur un réseau social équivaut à s’exprimer devant une salle comble. Chaque mot est susceptible d’être enregistré, partagé et amplifié. Une diffamation en ligne ne disparaît pas avec la simple suppression d’un message, car elle laisse des traces numériques exploitables par les autorités judiciaires. Avant de mettre en cause une personne, il faut donc se demander si l’on serait prêt à répéter ces propos devant un juge, preuves en main. En cas d’incertitude, il est toujours préférable de décrire les faits de manière générale, sans désigner nominativement des individus.
Conclusion
Une plainte groupée visant un influenceur principal est juridiquement recevable dès lors que les faits sont individualisés et étayés par des preuves suffisantes. En revanche, l’inclusion de personnes désignées collectivement, sans identification précise, est contraire au principe de précision des poursuites et risque d’entraîner un classement partiel. Les règles de compétence territoriale et les contraintes liées à l’entraide judiciaire internationale imposent, en pratique, de cibler les auteurs un par un avec un dossier probatoire solide. Enfin, l’action en justice, tout comme la communication publique sur ces affaires, doit toujours s’inscrire dans le respect des règles éthiques et des autorités, afin d’éviter les écueils juridiques liés notamment à la diffamation.
En définitive, les problématiques soulevées par l’action collective contre des influenceurs illustrent parfaitement la complexité du droit appliqué aux situations numériques. Pour approfondir ces notions et disposer d’outils synthétiques et directement exploitables, nous mettons à disposition des fiches de cours claires et structurées, couvrant aussi bien le droit pénal que les autres branches du droit concernées.
Biographie de l'auteure
Aïcha GBANDI est juriste, diplômée d’un Master 2 en Histoire du droit et des institutions à l’Université de Bordeaux (2020-2021). Son mémoire de recherche a porté sur « Le droit dans les congrès internationaux des femmes », illustrant sa capacité à croiser rigueur juridique et réflexion historique approfondie.
Elle est également titulaire d’une licence en droit public (Université de Lomé, 2015-2016) et d’un Master 1 en Histoire du droit et des institutions (Université de Bordeaux, 2019-2020).
Son parcours a été complété par une préparation annuelle et estivale aux concours du CRFPA et de l’ENM au sein des Instituts d’Études Judiciaires de Bordeaux et de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ainsi qu’un stage en cabinet d’avocats à Paris. Elle y a contribué à la rédaction de requêtes et mémoires en droit administratif et en droit des étrangers (CESEDA), ainsi qu’à la constitution et au suivi de dossiers en droit du travail. Cette expérience pratique est venue renforcer sa formation académique et consolider son expertise dans des matières clés du droit.
Distinctions et reconnaissance académique
Lauréate du Concours régional francophone de plaidoirie en droit international humanitaire du CICR (Tunis, 2013).
Représentante du Togo au prestigieux Concours international Jean-Pictet de droit international humanitaire (États-Unis, 2015).
Participation à divers forums internationaux sur le droit et le leadership.
Publications et productions académiques
Cinquième convention de Genève, recueil de cas pratiques en droit international humanitaire et droits de l’homme, préfacé par le Professeur Michel Deyra.
Articles spécialisés publiés dans Village de la Justice et d’autres revues professionnelles.
Fiches de cours, fascicules d’actualisation et recueils de cas pratiques destinés aux étudiants en droit.
Licence (L1-L3) :
12/20 en droit administratif des biens
13/20 en régime général des obligations
14/20 en droit du travail
14/20 en droit international humanitaire
14/20 en institutions administratives
13/20 en méthodologie du droit, finances publiques et droit de la fonction publique
12/20 en rédaction administrative
Master (M1-M2) :
12/20 en histoire des professions judiciaires
18/20 en histoire du droit de la famille
15/20 en histoire du droit patrimonial de la famille
14/20 en droit privé comparé
13/20 en analyse des enjeux juridiques actuels
Ces résultats concrets reflètent son expertise et garantissent la qualité des fiches et supports pédagogiques qu’elle propose.
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